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"Une anthropologie matérielle et poétique de nos paysages industriels" par Frédérick Port-Levet

Galerie Ories 2021

L’exposition Eleni Pattakou, « Paysages industriels » galerie Ories.
Une anthropologie matérielle et poétique de nos paysages industriels

D’emblée l’œuvre est là, qui frappe par sa force, et fascine. Fascination qui provient de ce détour que l’artiste a effectué pour éclairer, par la matérialité de la couleur, les thèmes de ses toiles, à savoir le décor industriel du sud de la ville, avec ses superstructures de métal et d’acier, ses vastes installations où se mêlent ateliers, entrepôts, docks et réservoirs, gares et quais, tours d’usines chimiques, torchères, paysages à la matérialité figée mais que des reflets sur les plans d’eau, ou les bords de fleuve irisent et viennent souvent animer.
Dans un cadrage frontal les toiles structurées par des diagonales, des verticales, des lignes fuyantes, semblent exclure toute présence humaine, même si nous savons que ce sont bien nos démiurges contemporains qui ont édifié ces paysages saturés, en apparence délaissés. Le détour, qui est vraiment la marque et la signature d’Eleni Pattakou, est celui de la coloriste qui utilise une palette expressionniste, mais sans la vision pessimiste, toute en contrastes délicats ou tranchés, en intensité et en dépouillement le figuratif tendant parfois vers l’abstraction. C’est également la marque de l’architecte qui joint à l’art de la composition une construction rigoureuse et mouvante à la fois de cet univers où abondent les formes géométriques, plans et volumes liés, mais qu’allègent souvent des volutes de vapeur ou que le ciel détache et capte dans des nuances de soleil couchant tout autant que de grisaille. Eclats et lueurs, ombres et scintillements, embrasements et masses fuligineuses circulent dans des perspectives d’aplats disposés comme si la couleur commandait le geste et guidait la vision poétique qu’il tente de saisir.
Le regard de l’artiste, à l’exception d’une vue du port du Pirée, hommage et rappel de ses origines grecques, s’est arrêté dans cet environnement, qu’elle avait à portée et qui l’inspire depuis plus de 17 ans. Ces lieux, entre le port Edouard Herriot et Givors, entre Pierre Bénite et Feyzin sont ceux que nous traversons habituellement en les ignorant, tant ils semblent associés et par expérience ils le sont, à la pollution, au bruit et aux odeurs méphitiques, à une inquiétante dureté. Mais en les observant et en les contemplant, travaillant soit à partir de photos en noir et blanc, soit en ravivant l’émotion in vivo elle en change la perception et les associe désormais à une forme de la beauté, non pas immédiate mais transfigurée par la captation d’une lumière, au-delà de leur réalisme, ou plutôt inscrite en eux et que seule la toile en accord avec la liberté d’un instantané est capable de faire sourdre. Elle nous invite à regarder : Il y a de la rouille, du délabrement, de l’abandon, en particulier dans ces ateliers où ne restent que des machines définitivement arrêtées, des murs aveugles, des chemins enserrés par des grillages qui semblent ne conduire que vers des zones vides ou des culs de sac, mais aussi , images sereines, des cargos ou des péniches aux lignes pures , captées au fil de l’eau et qui autorisent des palettes plus douces, car l’eau est toujours source de rêverie… et l’imagination réinvente souvent ces ambiances comme dans les deux toiles intitulées « Le Blanc » et « La nouvelle usine ».

Ces lieux ne sont donc pas inertes. Ils sont comme un corps drainé par toute une activité, une circulation, que l’on devine illustrée et suggérée par des lignes de chemin de fer, portant d’impressionnants wagons de marchandises qui dégagent dans leur fuite, une inquiétante et métallique puissance serpentine. Et toujours, planant au-dessus ou dans les interstices de ces scènes il y a la troublante beauté d’un ciel, même chargé de noires nuées que l’on pressent en marche, d’incroyables rougeoiements sur lesquels se détachent les hautes et fragiles cheminées, les pylônes électriques, les fumeroles des complexes chimiques saisis dans une semi pénombre, un voile de brouillard.. Et parfois peuvent surgir, dans un cadrage rapproché, la moire d’un repli du décor le plus banal, un pan de mur que la touche du pinceau est venue lustrer, le miroitement irisé d’une tuyauterie, l’ombre impressionniste et flottante dans un atelier déserté, comme celui des établissements Venivov à Vénissieux où l’artiste avait installé son chevalet.
Seule une petite partie des toiles industrielles est ici présentée, mais elles sont éloquentes et confèrent une grande unité au travail de l’artiste basé sur la mémoire des lieux intimement parcourus. Cette moisson de paysages et de couleurs est nourrie de sentiments et d’un lyrisme immédiat qui confèrent à l’ensemble de l’exposition son atmosphère si singulière. Celle-ci palpite dans un champ de tensions jamais assouvies grâce à un regard-loupe qui rend sensible le perceptif et nous montre ce que l’on ne regarde pas. Ne s’étant guère éloignée du lieu où elle vit et travaille, Eleni Pattakou met en mouvement, en se l’appropriant, l’univers qui l’entoure, physiquement et géographiquement ancré, aujourd’hui magnifié dans ses toiles.
On ne peut que se laisser envahir par une telle rencontre, une telle vision, véritable libération de l’espace peint, servie par une maîtrise souveraine de l’inspiration et de la narration de la réalité jusqu’ici négligée, de l’histoire industrielle de notre ville, revisitée par un total plaisir esthétique. Frédérick Port-Levet

Rhône estampes Philippe Brunel

2018
« Les Habités » par Philippe BRUNEL

Eleni Pattakou montre ses tout derniers travaux. Outre deux estampes isolées (une eau-forte et une manière noire), une série de neuf estampes, inspirées par un texte du poète André Blater, Un silence de pierre. Série assez inattendue, qui ouvre peut-être une nouvelle recherche pour l’artiste. Plus intérieure, plus forte aussi, ou plus radicale ? Sur des feuilles de petite taille (24x30), surgit le dessin, expressif et acéré, de personnages dans des situations dégagées de toute temporalité, de toute contingence : une femme en buste, le visage grimaçant, sous l’effet d’une émotion violente ; la silhouette sombre d’un personnage faunesque le dos tourné ; un aigle dressé sur ses pattes de bouc ; un homme qui mord et déchire la chair de son bras. Tout un imaginaire fantastique, dramatique, terrifiant parfois, qui trahit des obsessions, des peurs, des phantasmes violents. L’encre noire des formes sans concessions, dure sur la blancheur de la feuille, ne s’embarrasse pas de nuances et accentue encore l’effet tragique de ces feuilles. www.rhonestampe.fr Exposition "Les habités"
Anya Belyat-Giunta, Laurence Clair, Eleni Pattakou
Chez Philippe Durand, St Etienne

Le dauphiné Gaelle Bardin

2016
« Figurations Humides » : une invitation au naufrage des sens

Jusqu’au 21 février, la galerie Test du Bailler de Vienne accueille les œuvres fascinantes de l’artiste d’origine crétoise Eleni Pattakou. « Figurations humides » est le titre donné à cette série de tableaux judicieusement accrochés au sein d’une installation chromatique pleine de sens que le public est invité à déceler. Poissons, barrages, migrants sont les trois composantes de cette exposition dont l’omniprésence de l’eau et plus précisément celle de la mer nous fait découvrir des images à la fois et étonnantes, puissantes et troublantes. Si Eléni choisit des sujets presque classiques voir académiques (comme ces poissons qui nous rappelle les gravures de l’art gréco-romain), leur traitement est tout autre. Incontestablement influencée par sa double culture, et marquée par son expérience des voyages en mer, pas toujours clémente, l’artiste nous dévoile des paysages personnels décryptés avec un œil acéré. Ces bateaux secoués par les vagues au milieu d’une mer sans horizon, comme cette péniche fluviale peuvent nous sembler réalistes avant que l’on découvre les détails qui nous font passer du corps à l’âme, du décor à la profondeur d’un paysage intérieur : on constate alors que les reflets ne correspondent pas à la réalité visuelle, mais nous renvoie à celle à celle d’une autre temps, d’une menace ou d’un rêve que l’artiste instille avec délicatesse en organisant à sa manière les traits et les formes de ses œuvres singulières. Puissantes de vérité, uniques, engagées. Comme en témoigne avec humour les titres des tableaux intitulés « Harengs Gagés ». Eléni Pattakou nous entraine dans le flot d’une âme chargée de lourds secrets qui ne demandent qu’à être partagés.
Exposition du 5 au 21 février
Galerie Test du Bailler ; 4 bis test du bailler, Vienne

Journal -Ville de Grigny - portrait d'artiste

2010

Eleni Pattakou est installée à la Cité d'artistes depuis novembre 2009, un lieu qu'elle a choisi pour l'espace grâce auquel elle peut travailler sur de grands formats mais aussi parce que " des projets d'échange pourraient voir le jour ".
Eleni Patakou travaille la peinture, la gravure et le dessin. Membre de l'association des graveurs grecs, ainsi que de la Maison des Artistes en France et en Grèce, l'artiste puise dans son pays d'origine, la Grèce comme on l'aura deviné, l'approche et l'étude des mythes, des mots, des animaux vivants ou objets de sacrifices. Son travail s'inspire également des visages humains par le prisme d'un regard cru et frontal et des traits austères d'un héritage iconographique byzantin.
Le travail récent de Pattakou est celui des paysages industriels et des docks : exploration d'un environnement quotidien, au rythme des lignes verticales des cheminées et des chemins de fer, au fil de l'eau des ports pétroliers et des usines qui forment le sujet central de l'oeuvre, dépourvus de toute humanité apparente, qui laissent pourtant ses traces immuables sur chaque bout de tôle.
Le travail de Pattakou est ouvertement figuratif. C'est le parcours d'une vie qui a fait ses premiers pas le long des murailles que les usines de filature formaient. Qui a continué, à la première rencontre avec le monde du travail, à l'intérieur des vitres martelées et au milieu de ce bruit régulier et monotone des fileuses. Formée aux Beaux Arts de Lyon et d'Athènes, elle est diplômée de la section gravure de l'école supérieure des Beaux Arts de la capitale grecque.
Le dessin animé, qu'elle a pratiqué pendant un certain nombre d'années, a laissé des traces de mouvement sur les éléments naturels qu'elle traite, sur les images qui se veulent immobiles. Le sang, l'eau, les ciels, les fumées des usines, les traits des visages s'animent en permanence pour prouver que " l'art vivant " n'est pas uniquement celui que l'on croit.

Lyon poche - Stani Chaine

Lyon poche - 2008

Eleni Pattakou reprend les thèmes des Caillebotte, Homer, Von Menzel, à la fin du XIXe siècle, ou encore des Sant'Elia, F. Léger et tant d'autres au XXe, représentant alors la modernité; à savoir les activités et paysages industriels. Ils sont traités sans la présence du moindre humain. Ici donc nul point de vue social ou politique, ni quête métaphysique. Mais un propos de peintre travaillant des jeux de construction, des verticales, horizontales, masses et autres circulations de couleurs; le grand format permettant en outre une belle gestuelle. Sans dramatisation à la Giorda, li lyrisme, mais juste un regard presque froid et posé là. Ces darses, ces usines, ces cheminées et autres cargos ou ports fluviaux en deviennent presque calmes et reposants. On vit devant de la matière à peinture.

Le progrès - Françoise Buffière

2008

Quant aux toiles d'Eleni Pattakou, c'est une transformation totale de la pollution en poésie. Des sites portuaires, des lieux qu'on évite habituellement nous laissent entrer dans un monde profond de puissance et de mystères, du brun sombre aux rouges flamboyants, un talent qui bouscule.

revue : COMME UN TERRIER DANS L'IGLOO Guy Ferdinande- Chronique

"Emanations, explosions / AZF : je suis le gruère ! etc."

Eleni Pattakou, crétoise d'origine, est peintre. Beaucoup d'artistes ne sont plus peintres aujourd'hui. Elle, si.
Elle peint des usines, toutes sortes d'usines et d'après ce que je peux en juger avec le catalogue que j'ai sous les yeux, presque uniquement des usines (à la fin il y a quand même un portrait de Georges Hassomeris, des têtes d'homme et un autoportraît).
Une peinture figurative ne manquant pas de puissance, puisqu'avec un tel sujet les tableaux ne requièrent pas d'avoir du charme, sauf à aller faire de la peinture sur chevalet dans les hauteurs de Vénissieux. Ce qui n'empêche pas que parmi les glossateurs il s'en trouve pour considérer "que cette vision "dantesque" rend ces cathédrales humaines" (fichtre !) ou "que le caractère ludique d'un graffiti au bas d'un tableau participe à la dédramatisation du paysage industriel". Bon !... Nous ne devons pas avoir les mêmes yeux ! Ni le même nez.
L'odorat, par exemple, je le trouve sollicité à l'endroit des couleurs, ces rouge, ces jaune, ces rose... Pour nous qui d'Haubourdin à Saint-André avons respiré du Lever ou du Kulhman plus que de raison, je me souviens que ces odeurs qui nous prenaient à la gorge étaient associées aux jolies couleurs des fumées que crachaient les usines. Humaines et tout à fait ludiques, qu'ils disaient. Dans ces visions d'usines selon Eleni Pattakou, aucun ouvrier n'apparait -pas âme qui vive-, et pourtant elles fument, et pourtant le train roule. Il ne s'agit donc pas de carcasses datant d'un temps révolu mais bien d'usines en activité.
Les ouvriers ? Y en a-t-il même encore à l'intérieur en cette époque où l'automatisation a suppléé la plus grande partie des tâches ?
Autour de ces usines hermétiquement closes, pas d'environnement urbain non plus. Le sujet en fait abstraction autant que des hommes; il est traité en tant que tel pour ce que procurent ses propriétés plastiques, détaché de tout en-deçà et de tout au-delà. Et cette puissance de rétraction sur l'espèce de silence central qui émane de ces flancs ou de ces tuyères est bien ce qui rend cet univers si inquiétant, si hostile. L'usine ne noircit plus les fronts, elle n'érode plus les visages, ainsi que la peinture réaliste se serait jadis attachée à le représenter, elle ne suinte plus. Elle a pris place parmi les meubles. Elle a la positivité des menaces familières.

Chronique de Guy Ferdinande, parue dans la revue : COMME UN TERRIER DANS L'IGLOO, numéro 92, du 1er septembre 2007. Ed. : REWIDIAGE.

INSA - Marie-Lucie Grossiord

INSA, Culture, 2007

Les tableaux d'Eleni Pattakou ont la force d'une évidence. Ils se plantent devant vous forts de la puissance de leur cadrage frontal, de leurs tons sombres, de leurs aplats de couleur appuyés de noir.
Ils ont l'insolence de leur sujet - l'industrie chimique, ils en ont même certaines propriétés - celle d'absorption par exemple, ce phénomène par lequel des solides retiennent des molécules à leur surface... comme eux, les toiles d'Eleni captivent notre regard et le retiennent à leur surface. Il faut une contemplation prolongée pour, lentement se laisser absorber par la tendresse d'une tour rose, la poésie d'une enfilade de cheminées, la perspective d'un rail de chemin de fer ou d'un ciel plus lumineux.
Les toiles d'Eleni témoignent enfin de la puissance mythique de l'homme tout puissant, créateur d'un feu, d'une technique, d'une science qui peut le sauver comme soudain le dépasser.

La Spirale / Centre d'Art - Jean-Marie Lemaire

La Spirale / Centre d'Art : Le Toboggan à Décines - 2007.

"Esquisse pour un voyage" et "Fleuve", sont deux gravures qu'Eleni Pattakou avait présentées pour l'exposition "SudOrient", ici même, en juin 2004. Elle y avait joint un grand paysage industriel "Novi Sad". A cette occasion nous rappelions le traditionnel voyage en Italie qui attirait, depuis la Renaissance écrivains et artistes puis, dans la seconde partie du 19 ème siècle, l'intérêt grandissant pour les pays du Sud et de l'Orient.
Nous y évoquions également la figure d'Eugène Fromentin, peintre et écrivain, un des plus importants de l'Ecole orientaliste. Cependant, son plus beau voyage fut sans doute celui qu'il fit dans les pays du Nord. Dans "Les maîtres d'autrefois", il nous emmène à la découverte des grands artistes des Flandres et des Pays-Bas.
Eleni Pattakou a, elle aussi, accompli son voyage vers le Nord. Elle nous vient d'un pays où le soleil éclate entre le ciel et l'eau: Grèce, pays des mythes et des légendes où l'on se met à table, parfois au lit, avec les Dieux.
Elle a posé son chevalet, sa palette et ses pinceaux dans la première ville du Nord quand on vient du Sud (on dit aussi de Lyon qu'elle est la première ville du Sud quand on vient du Nord). Au vu de sa série "La vallée de la chimie", on peut penser qu'elle n'est pas arrivée du meilleur côté. Mais, pour un artiste, il n'est pas de mauvais côté ni de mauvais sujets.
Citernes et réservoirs, torchères et cheminées, nuages et fumées, ciels de feu, rouges incandescences entre noirs de goudron et gris de cendres composent en paysages dantesques une dramaturgie de carcasses de béton, squelettes d'acier et arches de triomphes à la gloire de l'or noir. Ce sont architectures à l'aspect futuriste, semblables à des ruines qui sentent déjà la mort, nouvelles nécropoles. Y travaillent des femmes et des hommes que l'on ne voit pas, qui n'ont pas leur place dans "La vallée de la chimie". "Nouvelles cathédrales écrit Gérard Chomarat, " réalisme cru " nous dit Eleni.
C'est avec ce même réalisme qu'elle traite la très belle galerie de portraits qu'elle nous présente. Est-ce pour compenser l'absence de l'humain que nous venons d'évoquer? Metteur en scène d'une réalité brute, bâtie des mêmes composantes que ses paysages industriels, elle use de puissants effets de lumières colorées, d'une mème fougue, d'une rapidité d'exécution, d'une même sûreté du geste, sans repentir et nous révèle une rage et un bonheur de peindre.
De graver aussi. Elle signe ici huit pièces de son "Calendrier sacrificiel". Noir et sang de l'encre. Mort et passion. Elle nous rappelle la permanence des symboles et des rites. Celle des sacrifices: de l'Agneau pascal au mouton de l'Aïd-El-Kébir. C'est, pour Eleni Pattakou, faire que ne se perde ce qui est une partie de la mémoire des Hommes. Elle le réalise avec la même force et la même puissance qui concourent, malgré les apparences, à l'unité de cette exposition.
C'est une oeuvre construite dans le respect des traditions classiques (quant au sujet, la composition, la coloration et la technique), mais qui n'ignore rien des innovations et de la modernité. "Usine rose" et "Cuve bleue" : Eleni nous dit que cette modernité-là peut aussi être belle.

Jean-Marie Lemaire, Commissaire d'exposition.

Galérie Chomarat - Gérard Chomarat

Galerie Chomarat - 2006

LES NOUVELLES CATHÉDRALES (autres lieux de cultes) Il se peut que lorsque Eleni PATTAKOU restituant avec talent, l'ambiance, le gigantisme, les effets et contrastes lumineux, ainsi que la peur engendrée par cet imposant spectacle des nouvelles cathédrales, il se peut que grâce à cette vision " dantesque " ces cathédrales représentatives de notre modernité contemporaine, rendent ces dernières humaines, cela malgré les problèmes écologiques posés.

Elles s'inscrivent à la sortie de toutes grandes cités s'élevant dans nos paysages comme " architecture futuriste ", voir l'interprétation du Port Edouard Herriot par Eleni PATTAKOU.

Ces lieux où se réfugient l'intelligence, le travail, de chacun pour plus d'indépendance et mobilité sur notre si petite planète, le pouvoir de développer par O.G.M. interposés des semences diaboliques ou salutaires, selon que l'on se positionne en nantis ou affamés.

Tout cela existe dans l'approche picturale d'Eleni PATTAKOU, à son corps défendant peut-être ?....
Voilà résumé toute la magie incarnée par l'acte de création absolu, lorsque celui ci est authentique. Ces cathédrales demeurent les nouveaux lieux de cultes pour idolâtrer la flamme éternelle brillante du haut de ces immenses cheminées d'acier, annonçant au monde leur pouvoir éphémère, car cette énergie l'or noir est en voie de disparition. Merci à Eleni PATTAKOU d'avoir immortalisé avec force et talent ce que peu de plasticiens auraient osé entreprendre.

Catalogue exposition 2006 - Georges Hassomeris

QU'ELLE ETAIT VERTE, RAVALEE... suivi de
BIENVENUE DANS LA MEMOIRE OUVRIERE
D'UN PAYSAGE INDUSTRIEL !

Ici chacun est libre de ne pas se retrouver prisonnier de la vision de l'autre, ni non plus de sa propre vision
...et puisque aujourd'hui la nature de l'art est devenue incertaine, ou du moins ambiguë, et que nul désormais ne peut dire avec certitude ce qu'est - ou ce que n'est pas ! - une oeuvre d'art, et donc pour en revenir à Wittgenstein, lorsqu'il se propose de substituer à ce que véhiculent les idées d'essence et d'identité " immuables et éternelles" les suggestions bien moins ambitieuses - mais tellement plus ressemblantes ! - des "petits airs de famille..." (Interrogations philosophiques, par. 67), suggestions en l'occurrence ici fort utiles face aux toiles d'Eleni et à l'Histoire ...
hé bien, venons-en aux faits ! Mais que couve ce travail ?

Quelque chose de très explosif sous un cocktail détonant de couleurs plutôt froides que vives, quelque chose de dissimulé à l'état d'embryon dans ce paysage faussement décoratif de la vallée de la pétrochimie, quelque chose d'errant et de larvé tout à la fois, qui donne l'impression apparente de végéter sous un drôle de "masque de fer" dans le décor tendu de chaque toile, mais qui ne demande en somme qu'à monter en puissance jusqu'au moment du passage à l'acte libérateur. Chaque ligne de force ainsi ajustée par l'artiste participe, de par son ambiguïté même - "monstre sacré" ou "Minotaure", c'est selon ! -, à la dramatisation du paysage industriel ambiant : c'est le cas de cet étrange no man's land contigu au dépôt de la petite voie de "chemin de fer" jouxtant une " acropole *", très sage et très sereine, comme le sont d'ailleurs toutes les acropoles - surtout les plus philosophiques ! -, bourrées comme on le sait de poudre et d'explosifs à ras bord, et invariablement prêtes à faire voler en éclats n'importe quel "mur" d'enceinte ou à vous exploser à la gueule à la premiére occasion venue ...

Il en est des toiles d'Eleni comme de ces étranges matins calmes précédant la tempête, toujours prêt(e)s à faire déborder votre verre d'eau dans la seconde qui suit : quel navire démarré sortira de ce "golfe" ou de ce "port " ...
La révolution bien sûr !

Et tandis que Diogène le Cynique continue d'éclairer l'Agora en plein jour avec sa lanterne magique à inventer les hommes, la "Ronde de nuit" de Rembrandt, changée en "Ronde de jour" depuis son récent toilettage, n'en continue pas moins imperturbablement de patrouiller à travers toute l'histoire de l'art en poursuivant comme si de rien n'était son petit bonhomme de chemin policier flanquée d'une meute féroce de critiques d'art postmodernes déjantés et " injustement " condamnés à revoir leur copie dans les siècles des siècles...

( *L'Acropole d'Athènes, qui servait de poudrière mais aussi de " solution de repli " aux révolutionnaires grecs retranchés dans son enceinte pendant la grande guerre de libération nationale de 1821, explosa brusquement de rire lors d'un dernier assaut etc)

Georges Hassomeris, poète

LA VALLÉE DE LA CHIMIE - Sophie Rouchon

2006

Lyon l'industrieuse s'en est allée de la colline dans la vallée, passant ainsi, de la soie à la pétrochimie. Et rien que pour cette dernière, de cylindriques monuments d'acier y ont été érigés. Emmêlant leurs fumées aux nuages, cheminées, et réfléchissant les couleurs du ciel, blanc..., noir..., ils se seraient intégrés, mais une succession de tours, cuves, torchères et réservoirs.... Par touche(s) ou tracés, entrecoupés, liés, ceinturés ou pénétrés à coups de tuyaux et chemin de fer, ils envahissent l'espace jusqu'à le structurer en un quadrillage irrégulier. Il y a quelque chose de trop mécanique. Alors, le paysage de tenter de reprendre ses droits. Des obliques sectionnent le maillage, créant profondeurs et sorties de champs, Novi Sad.

Une approche ouvrière du paysage industriel

2003. La cuve rose et acropole occupent l'atelier d'Eleni Pattakou. Dehors, la lumière est chatoyante. Sa palette de couleurs ira de pair. Cuves, réservoirs, etc. sont prétextes à un jeu de composition à la fois linéaire et chromatique. Le golfe est calligraphique. L'eau et le ciel sont fondus. Mais les temps de la peinture décorative et de l'exploration, trois cheminées, ne vont pas perdurer. 2004. Les couleurs se sont assombries. Les gris colorés : bruns, bleus, dominent. Les ciels se sont animés. Cheminées et port Edouard Herriot témoignent déjà des changements qui s'opèrent. Flous et bandes s'emparent des structures architecturales. Exprimer ce qu'elles renferment : bruits, odeurs. C'est le temps de l'appropriation. Atochem. Et puis, le mur, dans lequel la signature d'Eleni Pattakou paraît avoir été gravée. Un graffiti qui, à l'instar de ces quelques petits éléments verticaux rouges figurant, entre autre, dans blanc...., participe, de part son caractère ludique, à la dédramatisation du paysage industriel.

Sophie Rouchon, Historienne d'Art